Nouvelle venue, la démone sort enfin de l'ombre...

Allongée dans ses draps de soie blanche, la jeune femme, nue, ondulait tel un serpent et parlait dans ses songes. Quelques mots lui virent à la bouche, des mots d’un langage inconnu, oublié, démoniaque. La porte se trouvant à quelques mètres du pied du lit s’ouvrit, laissant apparaître un homme dans l’encadrement. Ce dernier semblait assez jeune, malgré un regard inquisiteur qu’il posait à présent sur ce qui bougeait dans les draps. Il croisa ses bras sur sa poitrine et attendit, ne troublant nullement le sommeil agité de la jeune femme et se délectant de la vue du corps halé de cette jeune personne. Au bout de quelques minutes, le corps de la jeune femme ne bougea plus et lentement ses paupières s’ouvrirent.

La chambre se dessina doucement aux yeux de la jeune femme, qui continuait à fixer le plafond. Elle tourna la tête et finalement se redressa, remontant le fin drap sur sa poitrine. Elle jeta à l’homme un regard noir, sa fine bouche s’ouvrit mais elle fut prise de court par l’homme qui lui demanda :
-« Alors, Phaere ? Un sommeil agité ? »

La voix de l’homme avait quelque chose de profond, comme si sa voix avait traversée des siècles et les guerres qui vont avec. Toutefois, le ton amusé de l’homme se fit ressentir par la jeune femme, qui prit alors un visage irrité. L’homme continua :
-« Nous avons terminé d’analyser le livre que tu nous as confié, je ne sais pas ce qu’il contient réellement mais je peux te dire que les runes, avec lesquelles ce bouquin est écrit, sont issues de déformations du langage Elfique et Démoniste, la structure des phrase reste assez latine, je pense que ce livre a été écrit vers le XIIIème siècle, sûrement avant ta naissance. L’auteur me reste inconnu et… »
« Epargne-moi les détails ! »

La voix de Phaere avait le ton de l’agacement, même si son visage, à présent tourné sur le côté, indiquait quand même sa gêne : elle venait de couper celui qui l’avait recueillie, nourrie, logée et aidée durant ces quelques cinq années. Elle fit un geste de la tête, répondant affirmativement à la question silencieuse de son interlocuteur. Celui-ci continua :
-« Je disais donc que l’auteur me restait inconnu, je ne peux donc pas dire pour qui ce livre a été fait. Concernant le premier chapitre, j’ai réussi à comprendre la plupart des symboles et, avec l’aide des alchimistes du Clan des Soldats Pourpres, j’ai compris qu’il s’agissait d’équations alchimiques, sur la transmutation humaine. Ils ont essayés et… »

Sa voix mourut, laissant à Phaere le temps d’assimiler cette information. Elle termina la phrase peut de temps après :
« Je suppose qu’ils ont mutés ? »
-« Oui, mais pas que leurs corps, leurs esprits semblent avoir subit de graves lésions… en continuant plus loin je me suis rendu compte du véritable but de ce livre et je tiens à te dire que je ne compte pas te dicter la voie à suivre ni à te dire ce que tu dois faire, mais s’il te plait, renonce… »
« Dis moi ce que le livre contient, je travaillerais dessus par mes propres moyens, je ne compte pas t’en faire lire d’avantage si tu pourrais me cacher des informations essentielles dans ma quête. »
-« Je ne te cacherais rien si tu offre quelque chose en retour… »
« Dis-moi simplement ce que contient le livre, ce que tu as découvert… ? »
-« Il contient les méthodes employées pour faire revivre un défunt, les premiers chapitres semblent être des essais inachevés ou voués à l’échec, le reste semble être le moyen de réussir. »
« Parfait, rends moi le livre. J’aurai juste une dernière chose à te demander avant de quitter cette ville… »
-« Demande toujours. »
« Retourne-toi pendant que je m’habille. »
-« En échange je veux une nuit avec toi, et une nuit torr… »

Sa phrase resta en suspens, le bruit offert par le choc entre les phalanges de Phaere et la mâchoire de l’homme, celui-ci tomba sur le sol, un sourire aux lèvres, puis se releva et se retourna. Les ombres commencèrent à envelopper Phaere et elle laissa glisser le drap sur le sol. Une sorte de mâchoire géante la goba et disparut pour laisser place à une jeune femme habillée d’une sorte de kimono long avec les manches coupées. La couleur noire de l’apparat semblait se confondre avec les ombres frémissant aux pieds de la démone. Elle posa une main douce sur l’épaule de l’homme et dit :
« Exonar, merci pour tout. Même si je n’ai pas été très utile et même si j’en ai beaucoup demandé avant d’en faire… »
-« Ce n’est pas grave, en remerciement tu n’auras qu’à revenir coucher avec moi… » Il commença à rire nerveusement en posant ses yeux sur les mâchoires crispées de la jeune femme et remonta un instant vers le regard assassin qu’elle jetait sur lui. Il toussa et reprit un ton plus sérieux : « Je t’amène vers une autre magicienne des plans, je pense que tu devrais trouver plus de réponses là bas, mais fait attention : elle en demande plus que moi et passe aussi pour une avare en souhait… ne lui demande rien si tu ne te sens pas obligée. »
« Merci, merci pour ce dernier conseil… ma décision est prise je pars maintenant, dis leur ‘au revoir’ de ma part, tes assistants m’ont beaucoup apportés eux aussi… »

Exonar se recula de quelques pas et tendit une main fébrile vers Phaere. Une sorte d’halo blanc commença à entourer la jeune femme et la fit léviter un instant. Dans le tumulte qui commença à s’élever, la démone entendit à peine les derniers mots adressés par le magicien, les derniers avant longtemps, peut-être ne le reverrait elle jamais ? La voix de l’homme se fit plus grande et elle entendit enfin ce qu’il dit : « Tokyo-Ni, plan concret ! ». Une tornade d’énergie traversa la jeune femme et la clarté absolue du portail inter-planaire.

Phaere ouvrit les yeux sur une sorte d’autel en marbre, avec la statue d’une sorte de divinité derrière. Elle leva les yeux et vit le plafond de ce qui semblait un temple. Elle tourna la tête et observa tout autour d’elle : elle venait d’arriver à Tokyo-Ni. Sa véritable quête ne faisait que débuter…

Plongeant ses crocs dans le corps d’un jeune homme fraîchement attiré, Kuraï mangeait tranquillement, dégustant cette jeunesse que la mort avait tôt prise. Elle pencha la tête sur le côté et recracha un os un peu trop dur. Le bruit mat d’un corps tombant sur ses pieds, parvint aux oreilles de la créature : une autre victime ? Apparue si soudainement ? Sans trop savoir quel était le sentiment qui la guidait ainsi vers son prochain repas, espérant que ce soit un homme et non pas une femme : « Car les hommes ont bien meilleur goût… » se disait-elle continuellement.

Dans un mouvement brusque, le fauve s’étira et fit craquer les os de sa colonne vertébrale. L’aura noire qui l’entourait se dissipa un instant et la créature sembla se tordre de douleur, hurlant des injures et malédictions inaudibles afin de se retrouver à terre, dans la peau d’une jeune femme au teint mat, la poitrine mise en avant comme s’il s’agissait d’une arme contre les esprits faibles (bien que cela ne serve plutôt qu’à attirer et non repousser…). Un escalier s’offrait à elle et l’invitait à monter sur les marches de marbres. Tournant et continuant indéfiniment, l’escalier la fit bientôt ressortir derrière une grande statue représentant une quelconque divinité, d’apparence féminine. Le socle de marbre brute était gravé d’une inscription (encore dans un état quasiment neuf) qui indiquait le nom de la divinité « Médée ».

La silhouette féminine de la personne apparue aux yeux de Talia, et son sourire gourmand s’évanouie soudain, ne laissant qu’un pâle sourire, symbole de la déception qu’elle venait de vivre. Elle s’approcha néanmoins de la jeune femme qui s’offrait à elle. Arrivant près d’elle, elle sentie une odeur peu commune, celle des plans inférieurs…

*Une démone qui plus est… ma satiété attendra donc…*

Elle s’inclina légèrement en avant et dit :
« Bonjour. Vous ne m’êtes pas familière, venez vous juste d’arriver ? »

Phaere sursauta à l’arrivée de la jeune femme. Elle la jaugea un instant et l’observa pour mieux voir à qui elle avait à faire. Un temple ne semblait pas être l’endroit requis pour une telle personne : tenue aérée, manières brutes voire abruptes, et un sourire quasiment carnassier. De plus, son aura semblait peser sur l’atmosphère et bientôt le temple fut insoutenable. D’un coup, la pression se relâcha et la jeune femme lui posa une question : « Venez vous juste d’arriver ? ». D’un ton hésitant, la jeune démone répondit simplement :
« On peut dire ça comme ça en effet, je viens juste d’être envoyée ici. A ce qu’il parait, je pourrais rencontrer une personne qui pourrait m’aider dans ma quète. Sauriez vous à qui dois-je m’adresser ? »

Pendant un instant, la démone aurait cru voir un éclair sombre dans les yeux de son interlocutrice, puis se ravisa : un si joli visage et une aura aussi bienveillante que celle qu’émettait, à présent, la jeune femme ne pouvaient appartenir à une bête sauvage…

En attendant la réponse, elle commença à observer ce qu’il se trouvait autour d’elle et distingua des fresques sur le plafond, quelques statues représentant la même déesse, dans des postures différentes. En s’approchant près d’une des statues, Phaere pu y lire : « En l’honneur de Médée, Magicienne », ainsi qu’une inscription dans un langage inconnu…

Talia réfléchit un instant : cette personne cherchait quelqu’un, quelqu’un pouvant l’aider. La jeune femme entreprit de faire le tour de ses connaissances et se souvint d’une personne, passée entre ses crocs, qui avait parlé d’une sorcière qui pouvait exaucer un vœu, en échange d’un bien précieux… Etait-ce une réponse ? Elle plissa les yeux et pencha la tête sur le côté, puis adressa à la démone un regard oblique : ne pouvait elle rien offrir en échange ? Il faudra veiller à ce que cette jeune personne offre d’elle pour sceller l’échange d’informations…

Talia fit un geste de la main et demanda, d’un ton sérieux :
« Pourriez vous faire quelque chose pour moi, et surtout pour cette ville… » Sans attendre la réponse à cette question, qui ne semblait que trop réthorique, elle continua : « Enquêtez dans les autres villes, cherchez des informations sur ce qui pourrait les mener à la guerre contre notre nation et, s’il le faut, trouver les commanditaires… »

Elle adressa un regard sévère à la démone, et d’un geste fit baisser l’intensité de la lumière ambiante, rendant l’atmosphère bien plus oppressante. Elle ajouta, comme pour mettre fin à la discussion :
« Il s’agit d’un échange d’informations, rien de plus. Mais sachez que le destin de cette ville en dépends… »

Talia attendait depuis un certain temps déjà. Elle avait dévoré encore un vieux pervers attiré simplement par l'apparat et avait terminé dans le monde de l'ombre. Elle observa une montre laissée là par une de ses victimes et soupira:
"Bah, elle doit sûrement avoir une bonne raison pour ne pas revenir si tôt... Rien qu'un des gardiens m'intéresserai... mais bon une information me serai utile pour, au moins les rencontrer..."

Un souffle de vent vint la rencontrer, la faisant frissonner un instant...
"Ce corps est fait de sang trop froid... il ne m'est utile que pour manger... quand devrai-je utiliser l'autre?"

Talia se pencha sur le côté et s'endormi, ressassant dans sa mémoire le souvenirs de la démone, acquiescant à son ordre... Dans un souffle, elle dit:
"Quand est-ce que tu empliera mon estomac petit démon... petite démone au mauvais goût, je ne risque pas de t'avaler..."